Pourquoi la Pologne est-elle en première ligne du soutien à l’Ukraine ? Pour beaucoup d’observateurs, elle n’est qu’un fauteur de troubles, conformément au stéréotype tenace d’un pays viscéralement antirusse. L’engagement massif des Polonais pour Maidan intrigue. Les manifestations pro-ukrainiennes dans toutes les villes, la multiplication des actions humanitaires (plusieurs hôpitaux reçoivent les blessés de la répression de Maidan), les collectes d’argent, de médicaments : depuis cinquante-huit ans, la Pologne n’a pas connu une telle mobilisation de solidarité avec un autre peuple. La dernière fois, ce fut pour la Hongrie en 1956. La solidarité avec l’Ukraine a même réconcilié, certes provisoirement, les ennemis irréductibles de la scène politique polonaise, Jaroslaw Kaczynski, frère du président qui a péri dans la catastrophe de l’avion présidentiel à Smolensk en 2010, et le Premier ministre, Donald Tusk. Tous les parlementaires ont voté une déclaration de soutien à l’Ukraine. Cet élan de solidarité nous dit quelle Ukraine les Polonais imaginent-ils à leur frontière, et quelle Russie craignent-ils.
Dans une interview du 16 mars 1919, le maréchal Pilsudski (artisan de l'indépendance de la Pologne en 1918) a dit à ses concitoyens qu'«indépendamment de qui sera au gouvernement en Russie, celle-ci restera férocement impérialiste». Cette thèse avait force de dogme. Pourtant, à partir de 1989, la vision qu'ont les Polonais de la Russie semblait évoluer et de nombreuses t