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Libé des écrivains

En attendant le printemps vénézuélien...

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par Héctor Abad Faciolince
publié le 19 mars 2014 à 19h56

Le Venezuela que j’ai connu voilà un quart de siècle était une société beaucoup plus inégalitaire, mais aussi beaucoup plus prospère et moins injuste que la société colombienne. Un million de Colombiens pauvres étaient allés vivre là-bas, à la recherche d’un sort meilleur. Quand l’ex-colonel putschiste Hugo Chávez se présenta à l’élection de 1998, la plupart de ces Colombiens naturalisés votèrent pour lui, et aussi une bonne partie de mes amis écrivains, journalistes, cinéastes et poètes à Caracas. Son cri contre la corruption et pour la justice avait tout d’un rêve.

Quelques années après, tous mes amis, sans exception, étaient déçus et effrayés, et des milliers de Colombiens partis faire fortune là-bas revenaient au pays. Quand j’allais de Medellín à Caracas il y a vingt-cinq ans,je sentais la paix et la joie d’un pays paisible et progressant lentement, trop lentement peut-être. Quand j’y vais aujourd’hui, j’ai peur ; paradoxalement, je me sens beaucoup plus en sécurité dans ma violente Medellín que dans l’ex-douce Caracas. La société vénézuélienne, qui n’avait rien de violent et qui ne subissait pas la polarisation politique colombienne, est devenue plus violente et coléreuse que la nôtre.

Depuis un mois, exactement quinze ans après l’arrivée au pouvoir du chavisme, ont lieu les manifestations les plus violentes de ces dernières années. Ceux qui protestent sont en majorité des étudiants, qui n’ont pas connu d’autre régime et que le gouvernement accuse d’être des fascistes et