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Libération
TRIBUNE

L’Italie, le pays où se meurt la politique

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par Yannick Haenel
publié le 19 mars 2014 à 18h36

J’habite en Italie depuis trois ans. J’y assiste à la ruine d’un pays, mais aussi à la mort de la politique. Berlusconi, à sa manière grotesque, incarnait cette mort ; mais depuis que l’Italie a réussi à se débarrasser plus ou moins de lui, d’autres noms propres - Bersani, Monti, Letta, aujourd’hui Renzi - se succèdent dans le vide, élargissant par leur échec cette mort de la politique dont Berlusconi n’était donc pas le dernier mot.

La spéculation financière, arrivée à son état de décomposition le plus rentable, remplace le monde, désormais caduc, des décisions. Les oligarchies, qu'on appelait naguère «mafias», règnent à la place de l'Etat, et c'est logique : l'argent se sert de l'Etat puisque l'Etat n'est là que pour servir l'argent. Le système fonctionne tout seul et n'est dirigé par personne : il n'existe plus, aujourd'hui, que des hommes de pailles.

L'économie-politique ayant été vidée de toute autre perspective, il ne reste qu'une visée : celle de l'enrichissement. Les possibilités lucratives du politique tiennent au caractère servile de celui-ci : un homme politique est très simplement quelqu'un d'achetable. Tout ce qui est profitable doit avoir lieu, c'est la seule règle ; et si la loi s'y oppose, on pliera donc la loi au profit.

Ainsi, l'esprit du vide qui triomphe en Italie depuis une vingtaine d'années relève-t-il moins de ce désordre caricatural qu'on prête trop facilement aux Italiens qu'à un ordre beaucoup plus terrible où la politique donne à vo