«Je ne sais pas ce qu'il se passe là-dedans, mais ça sent mauvais. Nous sommes humiliés et laissés pour compte.» Mardi, le regard empli d'amertume, un homme se tenait aux abords de la caserne d'un bataillon motorisé, sur les hauteurs de Bakhtchissaraï, dans le centre de la péninsule de Crimée. Au-dessus de l'entrée flottaient deux drapeaux, un criméen et un russe. Jusqu'au 10 mars, cette caserne était pourtant ukrainienne. Depuis, elle est tombée aux mains des Russes, comme bon nombre des 38 bases ukrainiennes et de leurs 15 000 hommes.
«Tous s'est passé assez vite», raconte le soldat, qui préfère rester anonyme. Accompagné par trois autres hommes, dont l'un porte encore l'uniforme ukrainien, il est le seul à vouloir évoquer leur défaite. «Nous n'avions reçu aucun ordre de Kiev, personne ne savait quoi faire, alors tout le monde a réagi comme il le voulait. Je sais que certains officiers ont reçu de l'argent, certains ont fait défection d'eux-mêmes, certains ont été battus…» Dans sa rancœur, il est difficile de discerner s'il est plus déçu de la déroute de sa compagnie ou de ne pas avoir rejoint les forces criméennes, et donc russes, à temps. «Je suis d'ici, ma famille est ici. Si je ne suis pas soldat, qu'est-ce que je vais faire de ma vie ?»
Poing. A la porte de la base, un soldat en uniforme, dont les insignes ont été arrachés, fait mine de monter la garde. «Tout s'est bien passé, la situation est