Elle porte le plus beau nom qui soit, un nom que même les Ottomans ont conservé après s'être emparés de Constantinople, l'écrivant à la turque : Ayasofya, «Sainte sagesse». Basilique impériale byzantine, transformée en mosquée ottomane durant 481 ans, Sainte-Sophie est devenue, en 1934, un musée «offert à l'humanité» par Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République turque. Quelque 3,3 millions de visiteurs s'y pressent chaque année, fascinés par cet extraordinaire millefeuille culturel.
Avec ses quatre minarets trapus écrasés par la coupole qui fut pendant mille ans - jusqu'à la construction de Saint-Pierre de Rome - la plus grande au monde, Sainte-Sophie offre «une juxtaposition religieuse étonnante, aussi fragile que celle qui existe dans le Saint-Sépulcre de Jérusalem entre les diverses églises chrétiennes», explique Sébastien de Courtois, écrivain et journaliste. «Mais ici, il s'agit d'islam et de chrétienté. La coexistence est encore plus sensible. Seul le caractère de musée du lieu peut garantir cet équilibre», souligne ce spécialiste des chrétiens d'Orient. A l'heure d'une islamisation croissante des institutions et des mœurs, c'est justement ce statut de musée que les radicaux et les ultranationalistes turcs espèrent remettre en cause afin de rendre l'ex-basilique-mosquée au culte musulman.
Blotti au milieu des plumes de ses six ailes, un séraphin de mosaïque veille, la lippe gourmande, sur l'immense nef. Son visage a été dévoi