Près d'un million de morts en seulement cent jours : le génocide de la minorité tutsie, qui s'est déroulé au Rwanda il y a exactement vingt ans, constitue la plus fulgurante tentative d'extermination de l'Histoire contemporaine. Pourquoi cet événement reste-t-il si mal connu, et si peu reconnu ? C'est une des interrogations à laquelle tente de répondre l'historien Jean-Pierre Chrétien dans son dernier livre, Rwanda, Racisme et Génocide, l'idéologie hamitique (1). Ce spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs y analyse aussi les raisons qui ont rendu possible un tel massacre. Car il a fallu des années de propagande, de falsification de l'Histoire, imposée notamment par le colonisateur, et de stigmatisation de l'Autre pour convaincre les esprits de la nécessité du pire. Au fond, l'Histoire se répète, et l'historien ne manque pas de souligner les parallèles troublants entre l'antisémitisme en Europe qui a conduit à la Shoah et ce qui s'est passé en 1994 dans ce petit pays au cœur de l'Afrique.
Quelles sont les origines de ce génocide ?
Le génocide rwandais n'a pas été improvisé en fonction d'une conjoncture. Ce n'était pas non plus une fatalité inscrite dans les gènes de la population rwandaise : il faut arrêter d'avoir une vision ethnographique de l'Afrique et réduire cette tragédie à un massacre interethnique comme on l'entend encore si souvent. La reconnaissance d'un génocide par la communauté internationale [comme c'est le cas au Rwanda, ndlr] ne relève pas du nombre de morts mais d'un projet, d'une l