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Libération
Reportage

A Kibuye, «l’intellectuel donnait les ordres»

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Retour, au Rwanda, sur les traces du docteur Twagira, inculpé en France pour «crimes contre l’humanité» et «génocide».
publié le 7 avril 2014 à 19h26

Alors que les derniers rayons du soleil caressent les murs de l'église Saint-Jean, Hassan Rukaratabaro évoque le déroulement de ses journées en avril 1994. Une sorte de routine : «Le matin, on se retrouvait tous, devant la station-service Petrorwanda ou dans un bistrot appelé la Nature, pour définir le programme de la journée. Puis on allait chercher les Tutsis pour les tuer. Et, vers 18 heures, on se retrouvait tous au bistrot.» Hassan a rejoint le camp des tueurs dès le début des massacres. «Parce que les autorités nous l'avaient demandé et que la radio répétait que les Tutsis avaient abattu l'avion de notre président», explique l'homme, qui murmure aussitôt : «Je sais désormais que c'était un mensonge, un prétexte pour nous pousser à tuer nos voisins tutsis.» Vingt ans après, il est difficile d'imaginer l'horreur du génocide à Kibuye. Peut-être parce que cette petite localité située sur les bords du lac Kivu, dans l'ouest du Rwanda, est d'une beauté à couper le souffle. Le rivage semble prendre un malin plaisir à éviter les lignes droites, s'enroule en s'enfonçant dans les eaux de ce lac immense qui s'étend jusqu'au Congo voisin. En quelques semaines, entre avril et mai 1994, 60 000 Tutsis y ont pourtant été massacrés.

«Extrémiste». Hassan a participé à l'attaque de l'église Saint-Jean, le 17 avril. Il était aussi au stade, le lendemain, lorsque les autorités ont décidé de se débarrasser des 10 000 personnes