Produit d’importation, les cigarettes pèsent sur la balance commerciale du Rwanda. Elles nuisent, surtout, à la santé de la population alors que l’obsession nationale, vingt ans après les 800 000 morts du génocide, est de faire des bébés et surmonter cette saignée. C’est logique. C’est rationnel et, au Rwanda, il est donc aussi mal vu de fumer qu’à New York. Y jeter un mégot sur un trottoir y serait aussi invraisemblable que cracher dans une salle de classe et ce pays rappelle ainsi toujours plus Singapour, minuscule et richissime Etat d’Asie dont les Rwandais sont à des années-lumière d’atteindre le niveau de vie mais dont leur président a l’exemple en tête.
Père de cette nation depuis vingt ans, Paul Kagame la dirige en autocrate éclairé, bien décidé à surmonter la pauvreté africaine, à refermer les plaies du génocide et à ne laisser aucune division ralentir la reconstruction - à mettre, en un mot, la raison d’Etat aux commandes, une volonté de résurrection qui doit primer et qu’il est convaincu d’incarner. Les libertés en souffrent mais comment ne pas comprendre ? Comment ne pas voir que ce pays doit encore dépasser des haines qui l’avaient déchiré bien avant le génocide et que lorsqu’il s’agit de sortir de la maison des morts, il faut marcher droit et en rangs serrés ?
Outre que ce n'est pas la dictature mais l'autoritarisme, outre que l'autorité de ce président est très profondément acceptée par les Rwandais qui ont intériorisé le triptyque «souvenir, unité, renouveau