La photo de Guy-André Kieffer, journaliste indépendant enlevé il y a dix ans à Abidjan, est partout chez Bernard, son frère cadet qui habite près de Lyon. Elle est sur la porte de sa maison et même sur une vitre de sa voiture. Au salon, il y a cette rangée de livres sur la Côte-d’Ivoire alignés dans la bibliothèque. Et une quinzaine de boîtes contenant tous les documents amassés sur «l’affaire Kieffer». Autant de fils qui tissent un lien invisible avec cet aîné dont il connaissait finalement si peu la vie.
«A une époque, Bernard passait une ou deux heures tous les soirs sur l'affaire», raconte son épouse, Jeanne. Chercher sur Internet le moindre indice, répondre aux messages de soutien des amis ou des anonymes, creuser d'hypothétiques pistes, tenter de démêler le vrai du faux dans les nombreux témoignages - spontanés ou téléguidés - qu'il a reçus dès le début… «Les infos déboulaient de partout, j'étais submergé», se souvient Bernard, 62 ans.
Mais aujourd'hui, le temps est comme suspendu. L'enquête judiciaire, ouverte en France et en Côte-d'Ivoire juste après le rapt de Guy-André Kieffer - GAK pour ses confrères -, piétine. Le juge d'instruction Patrick Ramaël, qui en avait fait une affaire quasi personnelle, a été remplacé à l'automne 2013, après des années de recherches opiniâtres mais vaines. La chute du président Laurent Gbagbo en 2011 - détenu depuis lors aux Pays-Bas dans l'attente de son procès devant la Cour pénale internationale pour crimes de guerre