Vladimir Poutine est un maître en stratégie, un champion au jeu d’échecs. Il excelle dans ces domaines où nous nous contentons du rôle de candides, incapables même de retenir les leçons de l’histoire.
Ce qui sépare le stratège du tacticien, c’est d’abord la vision, poursuivie sans relâche. Monsieur Poutine n’en manque pas, recherchant avec constance et obstination la préservation de la zone d’influence russe et, au-delà, la reconstitution d’une Grande Russie. En bon stratège, il prend son temps, s’adapte aux circonstances et profite des opportunités. Il lui aura fallu attendre six années entre la saisie de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie et «l’Anschluss» de la Crimée. Combien en faudra-t-il entre celle-ci et la rive orientale du Dniepr, où les insurgés pro-russes sont déjà à la manœuvre ?
Qu’importe : le président Poutine n’est pas très pressé. C’est son côté «stratège oriental». Ne pas s’user à provoquer l’occasion, mais l’attendre, à l’affût. Elle viendra un jour, immanquablement, car la faille est inscrite dans la fuite du temps. Il suffit donc d’être patient, mais pas inactif : accompagner les tendances favorables, ralentir les autres, accumuler du potentiel de situation - modernisation accélérée de la force militaire, distribution généreuse de passeports russes, déploiement de troupes par accord préalable - puis, reprenant l’initiative, le déverser d’un coup lorsque l’occasion se présente. Le tacticien d’en face, aveuglé par son mépris de l’adversaire, se retrouve alors