Il faut prêter attention à la quantité d'affiches annonçant le Jour de la victoire pour mesurer l'importance des commémorations de la Seconde Guerre mondiale en Russie. Orgueilleux et solennel, le défilé militaire qui se tient aujourd'hui sur la place Rouge célèbre une page sacrée du passé national : la victoire, très coûteuse, de l'URSS sur l'Allemagne nazie. Que le pouvoir russe convoque la mémoire de la «Grande guerre patriotique» pour conforter l'unité nationale n'a rien de surprenant. Sauf que cette année, l'hommage à la victoire de 1945 se déroulera dans un contexte singulier. Depuis plusieurs semaines, les références à la guerre se multiplient dans l'espace public pour commenter la crise ukrainienne.
Quand le président ukrainien Viktor Ianoukovitch a été renversé, les responsables politiques russes ont dénoncé un coup d'Etat orchestré par des fascistes, pointant du doigt systématiquement l'influence de certains nationalistes radicaux sur la place de l'Indépendance. Depuis, Moscou n'a pas de mots trop forts pour exprimer son hostilité à l'égard des nouvelles autorités de Kiev et condamner l'enlisement du pays. Sans oublier d'accuser les Européens de cécité sur la propagation de «l'idéologie fasciste» en Ukraine. La politique russe en Crimée a ainsi été en partie justifiée par la lutte contre les banderovtsi, terme en vogue qualifiant les nationalistes qui, selon le Kremlin, se rangent derrière la figure de Stepan Bandera. Ce chef du mouvement