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TRIBUNE

Les territoires perdus de l’Europe

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par Roberto Saviano, Ecrivain, journaliste et essayiste.
publié le 22 mai 2014 à 18h06

Tandis que nous nous apprêtons à renouveler le Parlement européen, il est de notre devoir de nous interroger sur ce que cela signifie d’être européens. Vraiment européens. C’est un rêve qui vient de loin. J’ai grandi en rêvant d’une Europe unie, à une époque où elle ne l’était pas. J’ai vécu ces changements historiques qui ont apporté dans la vie des jeunes gens de ma génération des opportunités que celles d’avant n’avaient pas connues. La possibilité d’étudier en Europe, des frontières ouvertes pour voyager ou s’installer, et surtout de l’attention. L’attention dont l’Union européenne (UE) ferait preuve à l’égard de chaque recoin, même le plus éloigné et périphérique. Celle que l’Union accorderait à tout Etat membre. L’attention qu’elle porterait à ses propres frontières et à ce qui se passerait au-delà. Loin, parfois.

L’Union européenne a été le rêve de ma génération qui découvrait la politique au commencement d’une ère nouvelle, particulièrement en Italie : nouvelle, car faisant suite au tremblement de terre de «Mani pulite». Nouvelle, mais qui n’a pas mis longtemps à devenir vieille et à montrer ses limites. Elle a été le rêve d’une génération qui, en Italie comme ailleurs, a eu bien du mal à s’exprimer. L’Union est née de ces rêves, mais, dans les faits, elle a été bâtie brique après brique par des politiciens au long cours, et cette vision s’est bientôt perdue. Elle est née pour que les Etats membres soient renforcés par le travail accompli ensemble, pas affaiblis. Pour