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Libération
Interview

«Des peuples avec des visions antagonistes»

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Yves Bertoncini. directeur de «Notre Europe» :
publié le 23 mai 2014 à 19h06

Directeur de Notre Europe-Institut Jacques-Delors, Yves Bertoncini, également enseignant au corps des Mines, a consacré de nombreux ouvrages aux questions européennes, dont le dernier, avec Thierry Chopin, Des visages sur des clivages : les élections européennes de mai 2014 (Institut Jacques-Delors - Fondation Robert-Schuman).

Le fossé ne cesse de se creuser entre l’Europe et ses citoyens. Est-ce le reflet d’un déficit démocratique de la construction communautaire ?

C'est vrai, mais en partie seulement. Le problème existe de longue date : dans un livre publié en 2005 [Europe, le temps des fils fondateurs, ndlr], je soulignais l'urgence de sortir du despotisme éclairé pour démocratiser l'Europe. Le slogan «Bruxelles contre les peuples» n'en est pas moins beaucoup trop simpliste.

Ces dernières années, notamment avec la crise de la zone euro, ont été marquées par de profondes fractures entre les peuples européens. La majorité des Grecs ne pense pas comme la majorité des Allemands. Le conflit démocratique entre des peuples avec des visions antagonistes a eu pour effet ces dernières années de donner un rôle toujours plus important au Conseil européen, qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement, afin de trouver des compromis. Ils ont toujours été laborieux. Le processus de décision s’est déroulé dans une opacité très forte, avec un très faible contrôle parlementaire - sauf parfois au niveau national, comme pour le Bundestag en Allemagne. Le principal point commun aujourd’hui entre beaucoup de peuples d’Europe est donc celui de ne pas aimer l’Europe, mais le plus souvent pour des raisons opposées. Les