A Kharkiv («Kharkov» en russe), cette ville ukrainienne d'un million et demi d'habitants située à moins de 30 kilomètres de la frontière russe, les personnes qui ont le cœur en Russie vous donnent rendez-vous près de la statue de Lénine, la plus haute du pays, plantée sur la place principale en 1962. Celles qui se sentent ukrainiennes préfèrent vous rejoindre place de la Constitution, devant le monument de l'Indépendance. Si l'un et l'autre s'expriment en général en russe, les deux groupes ont chacun leurs intérêts, leur vérité, leur mémoire. Pour les premiers, cette ville de l'est du pays fait partie de cette Novorossiia («Nouvelle Russie») que le président russe, Vladimir Poutine, veut voir se constituer entre une Ukraine réduite et la Russie. Pour les seconds, elle est la ville de naissance du nationalisme ukrainien, impitoyablement russifiée par l'empire soviétique, indissociable de son identité. S'ils ne dialoguent pas vraiment, les deux groupes ont au moins cessé de se battre.
Sirènes. Après une série de manifs, de contre-manifs et d'affrontements très violents qui avaient fait craindre en mars et en avril un basculement dans le chaos, comme celui qui règne à Donetsk ou à Lougansk, le calme est revenu dans la deuxième ville d'Ukraine. Le seul attroupement en cette semaine post-électorale était celui d'un groupe de femmes réclamant le retour de leurs fils, maris ou amants envoyés combattre au sein du bataillon 22 sur le fron