Le silence des autorités turques est aussi assourdissant que révélateur de l'enjeu central que représente Kirkouk (lire également pages 6-7) dans l'imbroglio irakien. Elles se taisent toujours, plus d'une semaine après la prise de contrôle, le 12 juin, par les peshmergas - les forces du gouvernement régional du Kurdistan irakien - de cette ville qu'ils revendiquent depuis longtemps comme leur capitale. Il y a encore quelques années, pourtant, le sort de cette riche cité pétrolière, turkmène, kurde et arabe, représentait une «ligne rouge» pour Ankara, voire un casus belli. Cette discrétion officielle illustre aussi bien l'embarras du gouvernement islamo-conservateur du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, face à l'accélération des événements que ses relations toujours plus étroites avec Massoud Barzani, le président irakien d'une région kurde de fait indépendante de Bagdad depuis 1991. Longtemps considérée comme une menace, l'autonomie des Kurdes irakiens est désormais envisagée comme un atout.
«La Turquie y voit un moyen d'affirmer son rôle sur une scène régionale en plein chambardement, où les perdants du traçage des frontières par les Britanniques et les Français après la Première Guerre mondiale comme les Kurdes sont enfin en train d'accéder à l'histoire», relève l'éditorialiste Cengiz Candar, en marge d'un colloque sur la question kurde organisé par l'Union européenne à Diyarbakir, la capitale du sud-est de la Turquie, en majorité peuplée de Kurdes. E