Il y a encore un mois, six Européens sur dix ne savaient pas qui était Jean-Claude Juncker, selon un sondage Ipsos. Qu'ils apprennent donc que cet ex-Premier ministre luxembourgeois incarnera bientôt le «doux monstre de Bruxelles», comme l'essayiste allemand Hans Magnus Enzensberger a baptisé la Commission et sa cohorte de 33 000 eurocrates qui étouffent l'Europe de leurs règles. «Même en Allemagne, seuls 15% des électeurs savaient que M. Juncker était candidat à la présidence de la Commission. […] M. Juncker ne s'est présenté nulle part et n'a été élu par personne», s'est indigné le Premier ministre britannique dans une tribune parue le 13 juin.
Malheureusement pour David Cameron et son homologue hongrois, Viktor Orbán, 26 des 28 dirigeants de l'Union européenne en ont décidé autrement. Et voilà ce discret politicien issu de l'un des plus petits Etats membres, fédéraliste patenté, promis à la direction du «gouvernement européen». Le troisième Luxembourgeois à ce poste - un record -, après Gaston Thorn (1981-1985) et Jacques Santer (1995-1999). Inconnu du grand public, Juncker est pourtant le loup blanc de la scène européenne, le dernier des Mohicans, l'ultime vestige de l'Europe de Helmut Kohl et François Mitterrand. Lui-même se présente volontiers comme «le dernier survivant, avec l'euro, du traité de Maastricht», texte qu'il a contribué à façonner en 1991. Un dinosaure, donc, ridé et blanchi, qui fait bien plus que ses 59 ans et connaît par cœur