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Interview

«Les "seigneurs du désert" face aux paysans sans terre»

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Pour l’historien Pierre-Jean Luizard, le monde chiite, longtemps soumis aux sunnites, s’est émancipé dans la foulée de la révolution iranienne :
publié le 30 juin 2014 à 20h06

Pierre-Jean Luizard est chercheur au CNRS. Il a récemment publié Histoire politique du clergé chiite (éditions Fayard).

A quand l’antagonisme entre chiites et sunnites remonte-t-il ?

Sunnisme et chiisme existent depuis l'origine même de l'islam et sont reconnus comme deux branches légitimes d'une même religion. Le litige porte sur la question de savoir à qui doit revenir le pouvoir après la mort du Prophète. Les sunnites ont reconnu les quatre premiers califes, puis les dynasties omeyyades et abbassides, alors que les chiites estimaient que le Prophète avait désigné Ali [son gendre, ndlr] et une lignée de douze imams comme successeurs. Sunnites et chiites ont eu au cours de l'histoire des relations faites de hauts et de bas.

Mais le conflit actuel est sans précédent. Les raisons de leur antagonisme actuel trouvent leurs racines dans la hiérarchie sociale propre au monde bédouin telle qu’elle s’est développée à l’époque moderne. Les communautés chiites arabes ont eu le destin commun d’être dominées socialement et exclues du pouvoir politique. Si l’on prend l’exemple de l’Irak, les chiites ont massivement été représentés par des paysans sans terre, là où les «seigneurs du désert» sunnites étaient parvenus à les réduire en quasi-servage. Saddam Hussein a représenté le dernier avatar d’un système où les chiites, majoritaires, devaient subir un pouvoir autoritaire sunnite.

La révolution islamique de 1979 en Iran a changé la donne. Les chiites avaient déjà commencé à s’émanciper socialement et politiquement. L’arrivée au pouvoi