Il aura trois ans ce 9 juillet, mais le Soudan du Sud n’a rien à célébrer. L’euphorie qui avait marqué l’indépendance du plus jeune Etat du monde, en 2011, est loin. Dans ce pays à la dérive, la capitale, Juba, tente de maintenir les apparences. Le commerce a repris sur les marchés et les rues poussiéreuses de la ville ont retrouvé leur défilé de motos et de 4×4. Des panneaux publicitaires promettent un avenir radieux, mais leurs couleurs délavées trahissent leur ancienneté. Avec l’instabilité croissante, les investisseurs qui avaient déferlé dans ce Far West africain se montrent prudents.
A côté de l'aéroport, sur une base des Nations unies, un camp de déplacés accueille toujours plus de 15 000 personnes dans des abris précaires. Beaucoup sont arrivés lorsque les premiers combats ont éclaté à Juba, et croupissent ici depuis plus de six mois. Malgré le calme relatif qui règne dans la capitale et les encouragements du gouvernement, ils frémissent à l'idée de regagner leurs foyers. «Avec les marques que j'ai sur le front, tout le monde peut voir que je suis Nuer [l'ethnie du chef de l'opposition, Riek Machar, ndlr], explique Steven Gatwich, un homme de 25 ans qui porte de grandes balafres - scarifications identitaires - sur le visage. Si des soldats m'aperçoivent dans la rue, ils pourraient m'arrêter, peut-être me tuer. Des gens sont sortis du camp pour se rendre en ville et ne sont jamais revenus.»
Utopie. La peur est palp