Avant la Grande Guerre, la France ne doute pas qu'elle est une grande puissance. Depuis, ce sentiment de rayonnement a chuté, au point d'avoir apporté un mot nouveau au dictionnaire - le déclinisme - pour désigner la résignation face à un recul inéluctable. Une vogue toujours montante, selon l'historien Robert Frank, qui vient de publier une réédition augmentée de son premier ouvrage sur le sujet (paru en 1994) : la Hantise du déclin. Une angoisse très française qui montre un pays obsédé, depuis la défaite de 1940 et la décolonisation, par l'idée de retrouver son rang. Notamment grâce à l'Europe, envisagée comme tremplin. Les scores de Marine Le Pen tiennent pour beaucoup à cette méfiance permanente dans l'Hexagone.
Manuel Valls aime achever ses discours par un couplet sur la grandeur de la France qui frise le ridicule. Est-ce le signe d’un regain de la hantise du déclin ?
Depuis quelques années, on assiste à un renforcement de ce genre de déclarations. Cette hantise ne se nourrit cependant pas des mêmes raisons. Avant 1914, entre les deux guerres et après 1945, l’anxiété portait essentiellement sur la position internationale de la France. S’y ajoute aujourd’hui une composante interne, la question morale, déclinée sur le mode «c’était mieux avant», «tout fout le camp», «il y a trop d’étrangers»… Nous passons peut-être maintenant de l’idée de déclin à l’idée de décadence. Le danger n’est plus seulement l’invasion par le voisin extérieur, mais une sorte de dilution de l’identité. La peur est devenue interne. Peur du chômage, peur pour l’avenir de ses enfants. Certaines de ces peurs étaient présentes dans les crises des années