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Rencontre

Djemilev, chef tatar d’une Crimée deux fois mutilée

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Déporté en 1944 comme des dizaines de milliers de membres de cette communauté turcophone, revenu dans la péninsule en 1986, le leader est à nouveau privé de sa terre natale, annexée par la Russie en mars.
publié le 14 juillet 2014 à 19h16

Les Tatars de Crimée risquent d’être de nouveau contraints à l’exode. A Kiev, où il occupe un petit bureau dans un immeuble alloué à la communauté, la question hante Moustafa Djemilev, l’homme qui les représente au Parlement ukrainien. Victime de la déportation ordonnée par Staline en 1944 pour punir la communauté d’une prétendue collaboration avec le régime nazi, le leader historique des Tatars de Crimée a passé toute sa vie de jeune homme à se battre pour retrouver la patrie qui lui avait été arrachée à l’âge de 1 an seulement. A 71 ans, celle-ci vient de lui être enlevée de nouveau. Une fois la Crimée annexée par Moscou, une des premières mesures du nouveau tsar, Vladimir Poutine, a été d’interdire l’entrée en Russie de Moustafa Djemilev, le bannissant de facto de sa région natale.

«Goulag». Petit, vraiment tout petit, presque nain, l'homme aux mains délicates et aux yeux pétillants, tantôt espiègles, tantôt frondeurs, se souvient de sa dernière visite au pays. C'était le 17 avril, un mois après l'annexion de la péninsule par la Russie. «Une cinquantaine de voitures tatares étaient venues me chercher à la frontière pour m'accompagner jusqu'à Simferopol. Chaque voiture arborait un drapeau tatar et un drapeau ukrainien. Des conducteurs klaxonnaient en signe de soutien. Une femme a pleuré en voyant les drapeaux. Mais les Russes ont considéré que notre intention était de provoquer des incidents entre les peuples. Quand j'ai quitté la C