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TRIBUNE

Consensus contre la démocratie en Tunisie ?

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par Issandr El-Amrani, Directeur du projet Afrique du Nord pour l’International Crisis Group et Michaël Béchir Ayari, Analyste principal en Tunisie pour l’International Crisis Group
publié le 17 juillet 2014 à 18h56
La seconde moitié de 2013 a représenté une étape charnière de la transition tunisienne. La polarisation entre islamistes et sécularistes a atteint son apogée dans le sillage de l’assassinat de l’homme politique de gauche Chokri Belaïd, le 6 février 2013, puis celui du député d’opposition Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013. Mais, contrairement à l’Egypte, les mobilisations contre le gouvernement n’ont pas plongé le pays dans la violence et la rupture constitutionnelle. Un ensemble de facteurs a permis de résorber la crise et d’aboutir à un consensus entre forces politiques, syndicales et associatives. Les amis de la Tunisie, ainsi que la plupart des dirigeants politiques tunisiens, notamment ceux du parti islamiste Ennahda et de son principal adversaire séculariste Nidaa Tounes, ont célébré ce consensus comme l’exception dans une région clivée politiquement et en proie à la violence.

Nombres semblent vouloir prolonger ce compromis salvateur sans se pencher sur les conséquences de la réussite ou de l’échec de cette stratégie. En effet, rien n’est encore joué. A l’approche des scrutins législatif et présidentiel, prévus fin 2014, les dirigeants islamistes et sécularistes semblent rechercher une voie consensuelle sans vainqueur ni vaincu : c’est-à-dire la mise en place d’une coalition parlementaire et gouvernementale équilibrée que la couleur politique du futur président de la République viendrait balancer à défaut.

Or, les résultats des législatives pourraient être tels qu’aucune coalition de ce type ne voit le jour, ce qui engendrerait de vives tensions. L’avance confortable du parti islamiste, la constitution d’une alliance dominée par Ennahda, laquelle marginaliserait les sécularistes, pourrait conduire ces derniers à ouvrir de nombreux contentieux voire à contester la validité des élections. De même, le score sans appel d’un parti séculariste, suivi de la formation d’un large front isolant Ennahda, serait assimilé au retour pur et simple de l’ancien régime dans l’esprit de certains islamistes qui y verraient le signal de leur éradication.

Pour faire face à ces éventualités, les réponses paraissent, pour l’heure, limitées. La plupart des chefs de partis semblent vouloir temporiser leurs militants dont la plupart ne croient ni à cet équilibre ni à cette future alliance, tout en leur faisant comprendre que la défaite est impossible. Or, les formations polit