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Libération
portrait

Kishwar Desai, sari noir

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Dans ses polars offensifs et délurés, cette ex-journaliste s’attaque à la difficile condition des femmes en Inde.
Kischwar Desai le 6 juin, à Paris. (Photo Aglaé Bory)
publié le 22 juillet 2014 à 18h06

Kishwar Desai se souvient encore de cette femme venue la voir alors qu'elle dirigeait une chaîne de télévision dans la région du Pundjab. «Elle m'a dit qu'elle ne devrait pas être là, devant moi, car elle n'était pas censée être en vie. Ses parents lui avaient donné de l'opium à la naissance pour la tuer. Mais elle avait survécu. A l'adolescence, des proches lui avaient révélé ce terrible secret et elle avait continué malgré tout à partager la maison familiale !» La journaliste connaît ce préjugé, tenace en Inde, qui veut que la naissance d'une fille soit considérée comme un événement de mauvais augure. Elle sait bien la façon dont on traite les femmes dans son pays, elle a entendu les récits de ces filles éliminées dans le ventre de leur mère, de ces nouvelles nées enfermées dans des pots en terre avant d'être enterrées, de ces grains de blé que l'on donne à avaler aux nourrissons de sexe féminin afin qu'ils s'étouffent, de ces adolescentes violées à mort, de ces femmes enfermées dans des hôpitaux psychiatriques par leur père ou leur mari. Mais la confession de sa visiteuse sert alors de déclic. Elle va réaliser son rêve d'enfant, devenir écrivain. Et raconter l'histoire d'une survivante.

«J'avais été marquée par un autre fait divers, confie-t-elle. Une jeune fille avait empoisonné toute sa famille et je ne cessais de me demander pourquoi elle avait pu éprouver le besoin de tuer tous ses proches. J'ai mêlé les deux histoires et cela a donné Témoin de la nuit.»