Ce devait être le jour des adieux. Sous un ciel gris de «pluie de prunes», cette longue série d'averses qui marque le début de l'été nippon, les Tomisawa avaient prévu de se rendre dans leur maison familiale. Mari, la fille, Mamoru, le fils, et leurs parents souhaitaient revoir une dernière fois leur chai, où, de génération en génération, ils produisaient du saké depuis plus de trois cents ans. Ils voulaient saluer les ancêtres, puis fermer les portes, avant de décoller vers un autre continent, une nouvelle existence. Mais jusqu'au bout, l'administration japonaise en aura décidé autrement. Le matin même, à sa grande surprise, Mari a découvert qu'on leur avait refusé le précieux sésame sans lequel ils ne peuvent retourner chez eux. «Nous avons pourtant le droit d'y aller quinze fois par an, pour des visites de deux heures maximum», explique-t-elle sans parvenir à justifier les caprices de la bureaucratie nippone.
Sur le papier, les Tomisawa habitent Futaba. Mais la bourgade de 6 000 habitants est désormais une ville fantôme, car située à 3 kilomètres à peine de la centrale de Fukushima. Elle est au cœur de la zone interdite, où la radioactivité est si élevée qu’aucun retour des populations n’est programmé. Pire, Futaba doit accueillir une gigantesque décharge, où seront enfouis les déchets radioactifs générés par la décontamination.
Les Tomisawa ont donc tout perdu avec la triple catastrophe de mars 2011. Leur toit, leur terre, leur travail. Ils ont trouvé ref