Elle se lève toutes les dix minutes, pour boire un peu d'eau, consulter son téléphone, éteindre la clim, tapoter son second téléphone, rallumer la clim. Amel Karboul se raconte facilement, mais ne tient pas longtemps en place. Dans sa robe rose bonbon - et lipstick assorti - la remuante quadra jure avec le décor vieillot de son bureau, boiseries sombres et lumière pâle. De toute façon, elle ne s'y attarde pas : la ministre du Tourisme préfère investir le terrain. «Les problèmes sont en Tunisie, pas dans cette pièce. Il vaut mieux aller les voir qu'attendre qu'ils viennent à moi sur un bout de papier», dit-elle. L'industrie balnéaire, stratégique pour l'économie nationale, n'en finit plus de péricliter, encroûtée dans un modèle obsolète, ébranlée par l'instabilité postrévolution. Membre du gouvernement de technocrates, appelés à la rescousse pour prendre la relève des islamistes retirés du pouvoir, Karboul a la tâche lourde. Après deux années de tumulte, l'entrée en scène de ces «compétences apolitiques» - elle se dit «plutôt libérale» - était perçue comme un soulagement, voire la solution miracle.
Les technocrates, il y en a deux sortes. La première, c'est le produit national, haut fonctionnaire, grand magistrat ou éminent juriste. Amel Karboul est de la seconde espèce : l'exilé(e) à la prestigieuse carrière internationale, qui rentre au pays pour mettre son expérience au service de la démocratie balbutiante. Jusque-là, Karboul était coach en manage