Le coryphène est un poisson méditerranéen réputé très paresseux. Si peu énergique qu’il n’aime rien tant que se prélasser à l’ombre des feuilles de palmier, dispersées dans l’eau par les pêcheurs pour lui tendre des pièges. Ou sous des corps de migrants, qui, par centaines, n’atteignent jamais leur destination. La vision des coryphènes sous les dépouilles flottantes rappelle bien des choses à Mohamed Cheikh Mohamed. Longtemps, ce pêcheur de 52 ans a été l’un des principaux passeurs du Sahel tunisien. Presque parmi les pionniers : depuis ses premiers voyages, en 1996 (les migrations maritimes se sont massifiées au début des années 90), Mohamed estime avoir acheminé environ 550 Tunisiens, en 14 passages, du petit port de Ksibet el-Médiouni - à 10 km de Monastir - vers la Sicile. Jusqu’en 2002, année où la machine s’est enrayée et où il a atterri derrière les barreaux. L’affaire a fait grand bruit en Tunisie : même l’ancien président Ben Ali s’en est mêlé.
Sur le chemin de la rédemption, Mohamed Cheikh Mohamed a choisi de raconter son histoire «pour faire passer un message» à l'attention des milliers de jeunes Tunisiens (les statistiques sont imprécises mais le chiffre qui revient le plus souvent fait état d'environ 16 000 départs chaque année par la mer) qui émigrent illégalement. Son récit permet de démythifier en partie le milieu opaque des passeurs de clandestins.
Tout pour la sécurité
La rencontre a lieu dans les locaux du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), un