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Libération
Reportage

Irak : «Ce n’est pas aux chrétiens de partir»

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Entassés dans une paroisse près d’Erbil, les chaldéens et syriaques chassés de Qaraqosh par l’Etat islamique n’aspirent plus qu’à l’exil.
publié le 15 août 2014 à 19h46

Pas de valises ficelées mais des centaines de vies dépliées sur la pelouse jaunie de la paroisse chaldéenne de Saint-Joseph dans ce quartier chrétien et commerçant d’Ankawa. Au crépuscule, le gazon, qui n’en a plus que le nom, fait office de matelas aux réfugiés chassés de chez eux par la progression de l’Etat islamique. Trois religieuses poussent des poubelles remplies à ras bord. Une femme vient de se recueillir devant la statue de la Vierge devant laquelle brûlent quatre cierges et range pour la troisième fois son sac à main avec un soin japonais.

Devant ses yeux vides passe une délégation du Vatican avec croix dorées en sautoir. Les berlines climatisées qui attendent l'équipage vêtu de pourpre cardinalice enfument Rouïda, 30 ans, institutrice dans un village proche de Qaraqosh, assise à même le sol, qui n'a même plus la volonté de s'extraire des vapeurs d'essence : «Les parents d'élèves m'ont appelé pour me dire que les enfants me réclament. J'aimerais rentrer et reprendre ma vie d'avant qui était belle et tranquille. Je n'ai pas de quoi me laver et il faut patienter une heure pour les toilettes des femmes…»

Veillée de prières dans l'église. Un prêtre monte en chaire et dit en arabe : «Je vous demande de garder espoir, de ne pas partir. Votre place de chrétien est ici. Et, oui, c'est une épreuve de plus pour la communauté.» Les fidèles rangent les chaises sans mot dire. Un homme qui se présente comme ingénieur s'avance et affirme avoir fui Badgad il y a h