C'est un bout d'Amérique à fleur de peau. Une avenue rectiligne coincée entre deux autoroutes qui est soudain devenue le symbole de la fracture raciale de tout un pays. «Ici, maintenant, on ne voit qu'en noir et blanc», lâche Baron Ross, qui a grandi dans le quartier et s'est planté devant la carcasse brûlée du QuikTrip, une station essence de West Florissant Avenue, à Ferguson. «Une communauté contre l'autre, les gens contre la police. Il faut que quelque chose change, sinon tout va exploser.» C'est là, sur cette triste avenue bordée de commerces, que se sont déroulées les premières émeutes le 9 août, après la mort de Michael Brown, l'adolescent noir abattu par un policier blanc, qui a soudain réveillé les démons du passé dans la petite ville du Missouri, située dans la banlieue de Saint-Louis.
C'est là aussi que se sont poursuivies les violences dimanche soir, pour la neuvième nuit consécutive. Vers 21 heures, bien avant le début du couvre-feu instauré par les autorités de l'Etat, une manifestation entre plusieurs dizaines de personnes et les forces de l'ordre a de nouveau dégénéré. Non loin du McDonald's, des policiers en tenue anti-émeutes ont tiré des gaz lacrymogènes sur la foule qui s'avançait. «Dispersez-vous, dispersez-vous», criait un jeune avec un mouchoir pour se protéger le visage. Une femme, à terre, s'est mise à pleurer, aveuglée par la fumée qui a soudain envahi le périmètre, dans une scène de guérilla urbaine. Après avoir déclaré l'