Le drame et les émeutes de Ferguson révèlent des tensions raciales profondes qui ne se sont en rien apaisées sous la présidence Obama, observe Thomas Sugrue, professeur d'histoire et de sociologie à l'université de Pennsylvanie. Dans un livre traduit en français en 2012, le Poids du passé, Barack Obama et la question raciale (1), cet historien des droits civiques, rappelait, après Faulkner et Obama lui-même, que ce «passé» d'humiliations et de ségrégation n'est toujours pas vraiment passé.
Ferguson est-il un cas isolé ou reflète-t-il des tensions raciales plus générales aux Etats-Unis ?
Ce qui se passe à Ferguson fait écho à des tensions anciennes, qui se sont déjà vues en d'autres endroits, comme en Floride après la mort de Trayvon Martin. L'émoi que l'on voit à Ferguson est le produit de quarante ans d'investissements dans le traitement policier et judiciaire, plutôt que social, des inégalités raciales. Les Afro-Américains sont beaucoup plus souvent contrôlés, arrêtés, poursuivis et emprisonnés que les Blancs. Le phénomène est si courant qu'il a engendré l'expression «Driving While Black» (littéralement «conduite en état de négritude»), exprimant le fait que les conducteurs noirs ont beaucoup plus de probabilité que les Blancs d'être arrêtés et poursuivis pour infraction routière. Souvent, les policiers profitent des contrôles routiers pour fouiller leurs voitures et voir s'ils ne transportent pas de drogue ou d'autres produits interdits. Dans des villes comme Ferguson, c'est aussi une source majeure de revenus pour les policiers loca