Mathieu Guidère est professeur d’islamologie à l’université de Toulouse. Selon lui, l’exécution de James Foley est d’abord un signal de ralliement lancé par l’Etat islamique à Al-Qaeda.
Quel est le message envoyé par l’exécution de James Foley et à qui est-il adressé ?
C’est très simple : jusque-là, les jihadistes de l’Etat islamique n’avaient jamais émis aucune menace à l’égard de l’Occident, ils se positionnaient comme les anti- Al-Qaeda qui, eux, promettaient le jihad global et des attentats en Occident. D’où la rupture entre ces deux mouvances l’an dernier, qui s’est traduite par des combats fratricides faisant quelque 3 000 morts, surtout en Syrie. Jusqu’au vote du Conseil de sécurité de l’ONU, la semaine dernière, l’Etat islamique était donc une organisation qui était sur une logique de jihad local et sur un agenda essentiellement régional qui visait à reconstituer la région du Levant (le Cham en arabe) telle qu’elle était avant les accords Sykes-Picot de 1916, quand Britanniques et Français se sont partagé une zone qui regroupait les sunnites d’Irak, du Liban, de Syrie, de Palestine et de Jordanie. L’Etat islamique ne s’en était donc jamais pris à l’Occident comme le faisait Al-Qaeda, l’organisation avait même eu des contacts avec l’administration américaine pour voir comment se débarrasser de Bachar al-Assad. Mais le vote du Conseil de sécurité autorisant l’usage de la force a changé la donne, il a créé le nouvel ennemi de l’Occident. L’Etat islamique ne comprend pas que l’Occident vienne le frapper alors qu’il n’a rien fait contre le régime d’Al-Ass