Elle tente de démêler dans ses souvenirs l'écheveau de son existence. Dénicher dans le labyrinthe de sa mémoire un fil conducteur, une madeleine proustienne, la pelote de laine dont disposa Ariane pour Thésée. Boule de feu contenu, bout de femme volcanique, Esther Vivas se prend la tête entre les mains, sur cette terrasse faisant face à un marché barcelonais. Et puis, au terme d'une courte et intense réflexion, la solution sort, évidente : tout s'organise pour elle autour des luttes dont elle fut à l'épicentre. Comme un «élément social de combustion», dit-elle.
Emeutes de Seattle en 1999, pierre baptismale du mouvement alter. Campagne pour l'abolition de la dette des pays du Sud en 2000. Mobilisation contre le sommet de la Banque mondiale en 2001, à Barcelone. Forum social à Porto Alegre en 2002. Ces repères structurent la vie d'Esther, l'articulent. Et donnent sens à ses relations avec sa famille, à ses liens sentimentaux ou à son rapport au monde. «Tous ces déplacements, en bus, en caravane, en train, en voitures collectives… Pour moi, ce sont comme des épopées de ce qui me fait vibrer, me fait espérer.»
Il y a bien longtemps, déjà, que sa mère ne lui demande plus de faire le compte rendu de ses activités. «Quand je suis sortie de la fac de journalisme, j'étais déjà dans mille luttes, dans la rédaction d'un bouquin, impliquée dans des séminaires, des rencontres de quartier. Ma mère, cela lui donnait le vertige. Alors, aujourd'hui, mon rythme ayant encor