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Interview

Timothy Snyder : «L’histoire de l’Ukraine est typiquement européenne»

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Les clichés de Robert Polidori fixent les traces laissées par les tragédies ou par l'histoire sur l'architecture des villes. Ici à Pripyat, en Ukraine, en 2001. (Photo Robert Polidori. Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St Moritz)
publié le 7 septembre 2014 à 17h06

Professeur d'histoire à Yale, Timothy Snyder est l'un des plus intimes connaisseurs de l'Europe de l'Est et, particulièrement, de l'Ukraine. Deux de ses livres traduits en français replacent bien le drame qui s'y joue dans la grande trame de l'histoire. Dans le premier, Terres de sang (Gallimard 2012), il rappelle comment Staline et Hitler ont concouru pour tuer pas moins de 14 millions d'Ukrainiens, Baltes, Polonais, Russes ou Biélorusses, Juifs et non-Juifs, entre 1933 et 1945. Dans le Prince rouge (Gallimard, 2013), il raconte comment l'archiduc Wilhelm de Habsbourg avait espéré régner sur l'Ukraine et s'était battu pour son indépendance, aux côtés de l'Allemagne nazie, puis contre elle, avant de finir dans les geôles staliniennes.

Vladimir Poutine semble considérer qu’il a des droits historiques sur l’Ukraine. Est-ce fondé ?

La façon dont la Russie formule ses revendications sur l'Ukraine pose au moins trois problèmes. D'abord, si l'on remonte dans le temps, jusqu'au XVIIIe ou XIXe siècle, cela signifie aussi que l'Angleterre doit avoir des droits sur l'Inde, la France sur l'Afrique du Nord ou le Portugal sur l'Afrique de l'Ouest. Si la Russie remonte l'horloge, le monde entier doit être transformé.

Le deuxième problème est que la Russie fonde ses revendications sur la russophonie. Mais les langues ne forgent pas l’identité nationale. Si c’était le cas, je serais anglais puisque je parle l’anglais, et tous les Belges francophones seraient français… la plupart des Ukrainiens parlent le russe, cela ne fait pas d’eux des Russes po