Mais deux jours avant de prendre la route, une amie lui rappelle qu'elle ne peut circuler sans un muhram (un «tuteur», c'est-à-dire un homme de la famille), selon les nouvelles lois qui interdisent aux femmes de sortir non accompagnées. «J'ai piqué une crise de hurlements et de larmes où j'ai insulté la terre entière toute une soirée, raconte, dans un échange sur Facebook, Sara, dont le père et les trois frères sont réfugiés en Turquie. Après un moment de panique partagée, ma mère a contacté des cousins avec lesquels nous étions en froid pour demander leur aide. Ils sont venus nous voir et l'un d'entre eux a accepté de prendre la route avec moi le lendemain dans un minibus pour Lattaquié. J'ai dû emprunter la carte d'identité de sa sœur pour y aller. Les hommes de Daech [l'acronyme arabe de l'Etat islamique, ndlr] au barrage ne pouvaient relever ma non-ressemblance avec ma cousine. C'est le seul avantage du niqab.»
Epaisseur du tissu. La cape noire intégrale dont doivent se couvrir les femmes dans les territoires de Syrie et d'Irak sous la coupe de la formation jihadiste est devenue plus qu'un symbole de conquête, une véritable obsession. L'épaisseur du tissu, l'ampleur qui ne doit rien laisser deviner des formes de la femme, la longueur à ras du sol pour cacher le moindre centimètre de cheville sont strictement contrôlées par les hommes de la hisba (la police islamique) qui patrouillent dans l