Anatoly tape de grands coups sur l'épaule de son voisin. «Je suis ukrainien, il est russe. Nous ne nous sommes jamais disputés, sauf pour savoir qui tenait le mieux la vodka.» L'un a les cheveux blancs, l'autre de profondes rides autour des yeux. Tous les jours, ils se plantent sur un trottoir pour vendre des chaussures en plastique et de vieilles médailles de l'Union soviétique. «Je vais vous dire… Cette guerre ne rime à rien. Nous sommes frères, nos grands-pères se sont battus ensemble contre les fascistes. Mais quand les gens n'ont plus rien pour survivre, ils prennent les armes», explique le vieil homme.
Dans le centre taillé au cordeau de la ville industrielle de Severodonetsk, les immeubles communistes se dégradent avec régularité depuis qu’en 1991 le drapeau jaune et bleu de l’Ukraine a remplacé la bannière rouge de l’ancienne fédération. L’usine chimique géante Azot, autour de laquelle s’est construite l’agglomération, fonctionne toujours, mais les carcasses de métal qui jalonnent la campagne témoignent des ravages de la transition économique des années 90.
A la fin du mois de juillet, la garde nationale ukrainienne et le bataillon Aïdar - constitué en majorité de volontaires ayant fait leurs armes au sein des groupes qui se battaient cet hiver sur la place de l’Indépendance contre le pouvoir du président déchu Viktor Ianoukovitch - ont repris Severodonetsk. Les séparatistes prorusses tenaient la ville depuis le printemps. Le front se trouve désormais