Avec son vieux costume sombre et son chapeau gris, Alexandru Visinescu paraît sorti tout droit des années 50. L'air absent, ce vieillard âgé aujourd'hui de 89 ans, soupire : «Nous allons voir ce qui va se passer.» Ce qui va se passer, c'est son procès pour «crimes contre l'humanité», qui s'est ouvert mardi. Les faits remontent aux années 50, une époque où Alexandru Visinescu dirigeait l'une des plus terribles prisons de la dictature communiste, celle de Ramnicu Sarat. Selon le parquet, il aurait instauré un «régime d'extermination» dans cette prison et il risque la perpétuité.
L'inculpé rétorque que le procès aurait dû commencer plus tôt, quand les anciens détenus étaient encore en vie pour témoigner qu'il avait été, lui aussi, «une victime du système». Mais depuis un quart de siècle et le renversement de la dictature de Ceausescu, les anciens chefs de prisons communistes ont continué à encaisser leurs retraites sans que personne ne leur pose de questions. Engluée dans une longue transition vers la démocratie, la société roumaine a évité de faire la lumière dans de tels dossiers où s'entremêlent étroitement passé et présent.
Pourtant il y avait matière à enquêter : entre 1945 et 1965, l’époque la plus noire de la dictature communiste, plus de 600 000 personnes - intellectuels, opposants politiques, officiers ou prêtres - sont passés par les camps et les prisons. Nul ne sait avec précision combien de personnes ont perdu la vie car le régime a