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reportage

«Ils ont décapité une vieille femme qui ne pouvait fuir»

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Quelques heures après avoir franchi la frontière turque, des réfugiés du Kurdistan syrien racontent leur fuite devant l’avancée des jihadistes de l’Etat islamique.
Une fillette kurde syrienne à la frontièresyro-truque, samedi. (Photo Bulent Kilic. AFP)
publié le 25 septembre 2014 à 19h26

Ragip, sa femme, ses quatre filles et son fils de 9 mois se sont installés à l'avant du minibus. Ils ne disent rien, ils restent prostrés, le regard dans le vide. L'une des filles, 5 ans à peine, se met à chantonner à voix basse, à peine un murmure. «Chut, ne te fais pas remarquer», lui dit doucement sa mère. La famille de Ragip, un ouvrier d'une vingtaine d'années, vient de fuir Aïn al-Arab (Kobané en kurde), une ville du Kurdistan syrien menacée par les assauts des jihadistes de l'Etat islamique.

Orage. Quelques heures plus tôt, ils ont rassemblé vêtements et nourriture dans une vieille valise et des sacs en plastique. Ils ont franchi la frontière turque à Yumurtalik et se sont retrouvés en fin d'après-midi au milieu d'un champ pelé, quadrillé par les blindés de la police. Ils ont aperçu un minibus blanc qui stationnait là. «Bien sûr, montez, je vous emmène où vous voulez», leur a dit le chauffeur, en prenant leurs sacs. «Et ne vous inquiétez pas pour l'argent, ce n'est pas grave si vous n'en avez pas», a-t-il ajouté. Ragip, sa femme et ses enfants sont donc montés. Ils ne savent pas vraiment où aller, peut-être à Gaziantep, une ville turque à 150 kilomètres de là. Ragip y connaît quelqu'un. Il l'appelle sans arrêt mais personne ne répond. Les enfants observent, par la vitre, l'orage qui vient d'éclater. On n'y voit pas à plus de 10 mètres, les bourrasques charrient une terre ocre qui tape contre la carrosseri