La police politique ne s’intéressait plus depuis longtemps à Huang Zerong, un vieil écrivain qui avait purgé vingt-trois ans de goulag de 1957 à 1980. Presque tombé dans l’oubli, l’ancien «contre-révolutionnaire» vivait reclus dans son petit appartement de la grise banlieue de Pékin. Bien que publiant encore sur Internet, de manière épisodique, des samizdats destinés aux initiés, ses 81 ans bien sonnés lui conféraient une sorte d’immunité que le KGB chinois respectait tacitement. Pourtant, l’implacable assaut répressif contre la liberté de parole, mené sabre au clair par le nouveau numéro 1 chinois, Xi Jinping, a fini par le rattraper, lui aussi.
Pour commencer, son fidèle chien tibétain - qu'il avait appelé Mao, par dérision envers le Grand Timonier - a été empoisonné. «On s'est demandé qui avait pu faire une chose pareille», s'est étonnée, sur le coup, sa famille. Le lendemain, en pleine nuit, et sans que le malheureux animal ne puisse plus grogner ou donner l'alerte, une escouade d'agents a frappé à coups de poing sur la porte, avant de surgir chez l'octogénaire. On lui a ordonné de s'habiller en hâte, et on l'a embarqué avec le butin de la perquisition - des piles de livres, des manuscrits et plusieurs ordinateurs, destinés à servir de pièces à conviction.
Un mandat, délivré peu après, l'accuse d'avoir «causé des troubles et provoqué des querelles». L'un de ses récents pamphlets, qui met en cause l'intégrité d'un haut responsable du politburo, est peut-êt