Dans les Derniers Jours de l'humanité, pièce monumentale en 209 actes écrite entre 1915 et 1917, le Viennois Karl Kraus démontait les ressorts du patriotisme qui entraîna l'Empire austro-hongrois dans la Première Guerre mondiale, éperonnant au passage la ferveur martiale manifestée par les dandys de la Belle Epoque. De Stefan Zweig à Rainer Maria Rilke en passant par Thomas Mann et Robert Musil, tous les grands esprits de la ville ont défendu, avec verve et talent, la volonté du bon vieil empereur François-Joseph, âgé de presque 84 ans, d'aller «mater les Serbes» après l'assassinat, par l'un des leurs, du prince héritier François-Ferdinand, le 28 juin 1914, à Sarajevo. Tous, sauf Kraus, appelaient à laver l'affront fait à la monarchie danubienne.
En cette rentrée théâtrale, la pièce est à l’honneur à Vienne, donnée sur pas moins de quatre scènes, outre celle du prestigieux théâtre du Burg de Vienne qui a prévu six représentations exceptionnelles, jusqu’au 16 octobre. Cet hommage au polémiste visionnaire est, bien évidemment, dans l’air du centenaire du début de la guerre. Il est néanmoins sans précédent, tant la pièce de l’enfant terrible de la bonne société habsbourgeoise sent encore le soufre. Un siècle après le début du conflit, l’Autriche a bien du mal avec cette guerre dont elle a joué, bravache, le premier acte et qui a signé, après des millions de morts, la fin de l’empire et du rayonnement de Vienne. La programmation multiple de la pièce de Kraus est