D'habitude, il vit en mer, 190 jours par an. Là, Philippe Martinez est à terre. Vraiment : une gamelle en moto 125 lui a fichu une entorse au genou. Il espérait bientôt conduire la Harley 1 700 qu'il a achetée, mais doit attendre pour passer le permis moto. D'habitude, ce marin pilote un plus gros cube : le Leonard Tide, un remorqueur de 72 mètres, boosté par un moteur de 10 000 chevaux, qu'il fait tenir sur un mètre carré sans bouger, assure-t-il - on n'est pas allé vérifier. Son job : l'assistance aux travaux offshore. «On apporte les produits nécessaires aux forages, les lubrifiants, l'outillage, la nourriture. On sert de pompier, de chien de garde, d'hôpital, tout ça réuni en un seul bateau.» Ces temps-ci, il tourne en Méditerranée. Avant, ce fut au large du Gabon, dans le golfe du Mexique, au Brésil, au Vietnam. «C'est un métier de cow-boy, pas de chauffeur de camion, comme les capitaines de cargo qui vont en autopilote d'un port à l'autre. Mon navire, c'est comme un bulldozer. Il y a beaucoup de manœuvres et de positionnement.»
Quand il est à terre, le gars au bandana noir, né à Carcassonne d'un grand-père résistant espagnol, se repose à Vannes (Morbihan), chez lui, où il roule ses clopes sur la toile cirée. Il n'est pas d'ici, seulement «deuxième génération d'épagneul breton». L'épagneul, il l'a aussi fait en mer, en août, 80 milles au nord de Tripoli (Libye) : à la vue de la plateforme de forage Zagreb 1, brillant «comme une tour Eiff