Longue tunique noire fluide soulignée de velours, foulard fleuri aux couleurs discrètes, sandales de cuir d'allure monacale qui se révèlent à hauts talons, regard direct et maquillage imperceptible. Le look de Tawakkol Karman est un équilibre subtil entre l'élégance d'une trentenaire qui s'enflamme sur les tribunes du monde entier et la discrétion imposée quand on vient d'un pays où serrer la main d'un homme est une hérésie. Ce qu'elle ne se gêne pas pour faire en accueillant le photographe deLibération. Sous les lambris de l'Hôtel de Ville de Paris, où elle est invitée au forum Convergences, celle qui a jeté son niqab aux orties il y a dix ans affiche le même sourire éclatant que lors de la remise de son prix Nobel de la paix, en 2011.
L'ex-figure de la révolution yéménite s'assombrit quand on évoque les rebelles chiites du Nord, les Houthis, qui sèment la confusion à Sanaa, la capitale. Elle fustige «des miliciens armés qui se croient choisis par Dieu pour diriger le pays, alors que le Yémen est une république».
L'ancien dictateur, Ali Abdallah Saleh, est déjà au pouvoir lorsque Tawakkol naît, en 1979, dans une famille sunnite aisée de la ville de Taiz, «une région verte, montagneuse, capitale de la culture». Son père, Abdel Salam, est avocat et membre du parti Al-Islah, les Frères musulmans locaux. Elu au Sénat local, il est chargé des affaires juridiques au gouvernement. Sa mère, «une femme merveilleuse», élève ses dix enfants «sans fair