Au milieu d'une allée, appuyée à un muret, la tombe en pierre de schiste couleur saumon passe presque inaperçue. «Ici repose la très regrettée A.F., décédée le 17 février 2013. Priez pour elle», indique sobrement une plaque en verre blanche, à l'ombre des cyprès. C'est entre les murs du cimetière juif de Ras el-Nabeh, vieux de près de 200 ans, que l'inhumation la plus récente d'une Libanaise juive de Beyrouth a eu lieu. Originaire de l'une des plus anciennes familles ashkénazes du Liban, elle avait enseigné le piano à toute l'élite libanaise avec ses trois sœurs au Conservatoire national. A.F. faisait partie de la minuscule communauté de juifs libanais encore présente au pays du Cèdre, et qui vit aujourd'hui murée dans le secret. Deux cents «israélites» seraient encore inscrits sur les registres d'état civil. «La plupart ont plus de 60 ans, et dans quinze ans, la communauté risque d'avoir disparu», assure Nagi Georges Zeidan, un chercheur libanais qui est en étroite relation avec la communauté. Depuis dix ans, à peine sept naissances ont été recensées. Le dernier-né, il y a deux ans, est un petit Albert. La communauté juive du Liban a fui dans les années suivant la guerre des Six Jours de 1967 avec Israël, puis lors de la guerre civile qui a ravagé le pays pendant près de quinze ans (1975-1990). Retrouver aujourd'hui la trace des juifs libanais ressemble à un jeu de piste. Certains se sont mariés avant le conflit à des maronites, des melkites catholiques, d
grand angle
Une société discrète
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par Thomas Abgrall
publié le 5 novembre 2014 à 17h26
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