Le chauffeur de taxi grille un feu rouge, envoie un texto en roulant puis fait un doigt d'honneur au policier qui souhaite l'arrêter pour un contrôle. Le tout en souriant, il n'y a rien de plus normal au Venezuela. Les Vénézuéliens ont au moins un point en commun : ils aiment faire ce qu'ils veulent, tout ce qu'ils veulent. De la forêt amazonienne à la jungle de la capitale Caracas, ce sont des adeptes de ce que l'anthropologue Samuel Hurtado appelle la «liberté sylvestre» : «Les Vénézuéliens sont comme des oiseaux, ils ne comprennent pas les limites qu'on leur impose.» En effet, pour ceux qui se saoulent sur la plage en faisant péter leurs enceintes à coups de reggeaton, s'énervent lorsqu'on leur demande de ne pas doubler dans la queue ou de ne pas mater sa copine avec l'insistance de puceaux prépubères, la liberté des autres n'a aucune importance.
Rien de nouveau sous le soleil. En 1996 déjà, l'anthropologue Roberto Zapata écrivait : «Dans la société vénézuélienne, l'individu ne s'intéresse qu'à lui-même, et les relations sociales sont non seulement mauvaises, mais aussi de franche méfiance.» Au bout de dix retards et cinq lapins sans recevoir jamais d'excuses, par exemple, on finit par agir de la même manière. En bons latinos, les Vénézuéliens résolvaient jusqu'ici leurs problèmes avec philosophie, en lançant avec un petit sourire aux lèvres : «Si Dieu le veut.» Mais avec plusieurs millions d'armes illégales en circulation, les discussio