Alexeï Jeltikov, serrurier des ateliers du métro moscovite, ouvre de grands yeux remplis d'incrédulité et d'inquiétude. Accusé de participer à un groupe contre-révolutionnaire, il a été exécuté le 1er novembre 1937. C'est le premier portrait que l'on voit en pénétrant dans l'exposition «La Grande Terreur, 1937-1938», qui s'est ouverte le 30 octobre au musée du centre Sakharov, à Moscou. C'est aussi celui qui a été choisi par le photographe polonais Tomasz Kizny pour représenter son travail de recherche : une galerie de 80 portraits, un infime échantillon des centaines de milliers d'hommes et de femmes exterminés en 1937 et 1938 en URSS, pendant les grandes purges staliniennes, tels qu'ils ont été capturés par les photographes du NKVD (police politique soviétique).
«Pour savoir, il faut s’imaginer»
Ces clichés, tirés des dossiers d'instruction, ont été pris quelques jours à peine avant l'exécution. Tout en les condamnant à l'annihilation et à l'oubli, l'appareil répressif prenait soin d'immortaliser ses victimes dans les fichiers de police. «Pour savoir, il faut s'imaginer», telle est la devise de Kizny. Il l'a placée aussi en exergue de son monumental album photo, à l'origine de l'exposition (1). «L'image est un facteur essentiel pour éveiller, faire prendre conscience. Bien sûr, les textes historiques expliquant les mécanismes de la Terreur sont très importants, mais si nous voulons toucher le grand public, la mémoire collective, alors il faut faire appel à l'imagination», expliq