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Libération
TRIBUNE

«House of Cards» en guest star dans la politique américaine

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par Sébastien Lefait, Maître de conférences en anglais à l'université de Corse (cinéma et littérature) et Olivier Esteves, Maître de conférences en civilisation des pays anglophones à l’université Lille 3, spécialiste des questions raciales
publié le 13 novembre 2014 à 17h06

Souligner que le milieu politique américain entretient une relation particulière avec le monde du spectacle est devenu un lieu commun. Précurseurs en matière de peoplisation de la vie politique et d'utilisation du storytelling, les Américains ont également élu plusieurs acteurs hollywoodiens à des postes clés. Ainsi, Ronald Reagan ou plus récemment Arnold Schwarzenegger ont su, pour se faire élire, cultiver l'amalgame entre le candidat et les figures héroïques qu'ils avaient incarnées.

Même si à plusieurs reprises des politiques, comme Barack Obama, Mitt Romney ou John Kerry ont publiquement évoqué des contenus de séries télévisées comme argument électoral ou pour paraître «cool», les récentes élections de mi-mandat ont vu surgir une nouvelle forme de mélange entre réalité et fiction. Mis en danger au Kansas par le candidat indépendant Greg Orman, le sénateur Pat Roberts a fait diffuser à la radio un message électoral d’un genre très inhabituel.

Des séries télé plus vraies que la réalité. Ce message ouvertement critique à l'encontre de Greg Orman était dit par un acteur dont la voix, jusque dans ses intonations, ressemblait à s'y méprendre à celle de Frank Underwood, le politicien machiavélique de la série House of Cards, campé par l'acteur Kevin Spacey. Dans le spot, le prétendu chef du parti démocrate accusait Orman d'être un faux indépendant, déclarant qu'en réalité il lui était inféodé. Il terminait de dévoiler sa machination aux auditeurs en affirmant qu'une fois élu, Orman ne manquerait pas de se ranger du côté d'Obama.

Pareil coup bas politique interroge la place des séries dans la vie politique américaine, et dans la représentation que les Américains se font de la réalité tout court. Jouer ainsi du transfert entre un monde fictionnel et l'univers réel de la politique comporte en effet deux présupposés, que cette anecdote sembl