Gita Devi soulève d'un geste franc le voile violet à pois jaune, légèrement transparent, qui cache son visage des regards masculins. Un sourire ridé se dessine alors qu'elle entame son récit intime avec une étonnante légèreté : «Pendant des années, je devais me lever à 4 heures du matin et marcher 2 kilomètres pour aller faire mes besoins dans les champs, raconte cette veuve de 50 ans. Je devais me retenir toute la journée. J'étais donc tout le temps constipée et j'allais chez le docteur tous les dix jours. Maintenant, c'est fini ! Je ne vais le consulter que tous les six mois.»
Ce qui a changé pour Gita est simple mais révolutionnaire : il y a trois ans et pour la première fois de sa vie, elle a pu aller aux toilettes dans sa maison. Ces cabinets d’aisance ont été construits par l’ONG Sulabh dans les 146 maisons de ce village de Hirmathla, situé dans la campagne de l’Etat de l’Haryana, à 80 km de New Delhi. Dans ce district, seulement un foyer sur quatre possède des toilettes, alors qu’il se situe à 40 km seulement de Gurgaon, l’une des zones économiques les plus dynamiques du pays, qui accueille les sièges locaux de Google ou Ericsson. Un contraste vertigineux.
Sulabh, réputée pour avoir construit 1,3 million de latrines en Inde depuis quarante ans, a donc pu fièrement proclamer Hirmathla «libéré de la défécation en plein air», un mal qui gangrène l'Inde et freine le développement de la troisième puissance économique d'Asie : la moitié des Indiens