Sur une dizaine de mètres, la terre est noire : un rectangle calciné au bas d’une montagne d’ordures qui menace de s’écrouler. En arc de cercle face au talus de déchets, la cavité rocheuse dévale à pic dans une avalanche de denses broussailles. La décharge de Cocula est difficile d’accès. Trois pick-up militaires bloquent le passage et des experts en combinaisons blanches relèvent des indices. Ici, dans la nuit du 26 au 27 septembre, les corps de 43 étudiants séquestrés dans la ville voisine d’Iguala auraient été brûlés et réduits en cendres. Auparavant, certains d’entre eux, une quinzaine, seraient morts asphyxiés dans les camions qui les transportaient ; les autres exécutés sur place, dans des conditions encore inconnues. Les os, broyés à coups de talons sur le bûcher refroidissant, auraient ensuite été versés dans d’épais sacs-poubelle, tirés à travers les ordures, puis jetés dans la rivière boueuse à proximité.
C'est la version officielle, la reconstruction d'une nuit d'horreur dans l'Etat du Guerrero, dans le sud du Mexique, le résultat de la rencontre létale entre un groupe d'étudiants rebelles et le bras armé du maire, le cartel des Guerreros Unidos («guerriers unis») et ses associés de la police municipale. Ce récit, basé sur les témoignages de trois suspects qui auraient participé au massacre, a été livré sous forme d'hypothèse par le ministre de la Justice, Jesús Murillo Karam, le 7 novembre. «Nous ne le croyons pas, souffle le père d'un disparu, Bernardo O