Ce 22 octobre, la salle est comble au tribunal de grande instance de Bouaké, la deuxième ville de Côte-d'Ivoire. Des centaines de personnes s'entassent pour assister au premier procès pour mariage précoce de l'histoire du pays. «Ecoutez-moi bien : l'époque où l'on arrangeait les mariages d'enfants à peine pubères est révolue», dit la juge, une femme vigoureuse, à Amidou Touré, accusé d'avoir organisé le mariage de sa fille de 11 ans. La substitut du procureur prend alors le relais, les remontrances ne sont pas terminées : «Vous voyez les femmes devant vous, les magistrates ? Vous n'auriez pas envie que votre fille devienne comme nous ?» Il répond que si. «Alors pourquoi la mariez-vous à 11 ans ?» «Je ne savais pas que la loi l'interdisait», souffle-t-il, accablé par la gêne, face à ces femmes en habit de juge, des femmes de pouvoir, comme il n'en a jamais vu de sa vie. «Ce n'est pas la loi qui aurait dû vous arrêter. C'est la morale», lui lance la substitut.
Amidou Touré, tailleur sans histoires, ne répondra plus. La suite, il l'entend au loin, «sous le choc», comme il le confiera plus tard avec des sanglots dans la voix. La peine demandée par le parquet pour «union précoce et forcée» est de douze mois de réclusion ferme et de 360 000 francs CFA d'amende (environ 550 euros).
Ce matin d’octobre, avec deux condamnations à dix ans de prison ferme pour des attentats à la pudeur et une peine de cinq ans prononcée pour u