Près de 20 millions de personnes vivent dans des camps. Parmi eux, il y a des camps de réfugiés, le plus souvent dans les pays du Sud. A ces populations vivant en marge des Etats, il faut ajouter les déplacés à l'intérieur de leur propre pays (au Soudan ou en Colombie, par exemple), les camps de rétention, souvent situés dans les pays du Nord, les camps de travailleurs dans les pays émergents et, plus informels, les campements aux abords des frontières, comme ceux de Calais. Du Proche-Orient à l'Afrique, l'ethnologue et anthropologue Michel Agier, directeur de recherches à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), ausculte depuis près de quinze ans la vie dans ces lieux singuliers, provisoires qui deviennent pérennes, organisés géographiquement et politiquement. Il vient de publier Un monde de camps (1), ouvrage collectif, et surtout international, qui restitue une histoire et une identité à ces millions d'anonymes.
Pourquoi dites-vous que le camp de réfugiés est un espace paradoxal ?
C’est un endroit très ambivalent, à la fois ouvert et fermé. Ce n’est pas une prison, le lieu ne relève pas du pénal, mais de l’administratif. C’est plutôt une sorte de mise à l’écart, éventuellement au nom de l’humanitaire. Hannah Arendt évoquait cette mise à l’écart des réfugiés comme une «mort sociale». Autrement dit, le problème des réfugiés est leur manque de «célébrité». Je pense qu’aujourd’hui il est urgent de rendre les camps célèbres, toutes les formes de ca