Eva Saenz-Diez est chercheuse et universitaire sur le monde arabe (Paris-VIII et université de Madrid). Elle revient sur les premiers mois du maréchal-président Al-Sissi qui gouverne d’une main de fer le plus grand pays arabe, alors que la répression a étouffé les feux de la révolution de 2011.
Peut-on parler de contre-révolution réussie avec ce pouvoir tyrannique imposé par Al-Sissi ?
Je n’emploierais pas le terme de contre-révolution car l’armée a toujours écrit le scénario et quand elle ne l’a pas écrit, notamment quand les Frères musulmans étaient au pouvoir avec Morsi, elle a en surveillé l’écriture. En fait, l’armée a toujours mené le jeu et si elle n’avait pas fermé les yeux à des moments clés de la révolution de 2011, celle-ci n’aurait pas eu lieu. L’armée a appuyé, ou en tout cas a permis, la destitution de Moubarak qui souhaitait placer son fils Gamal à la tête du pays. Or il n’était pas un militaire et le risque qu’il puisse amoindrir le pouvoir de l’armée, y compris celui de l’appareil militaro-industriel, a été incontestablement l’élément déclencheur de la chute du raïs.
Selon vous, la situation est-elle pire que sous Moubarak sur le plan des libertés publiques et de la censure ?
Il me paraît difficile de comparer la période Moubarak, qui s’étend de 1981 à 2011, à celle d’un Al-Sissi, qui ne s’étend que sur quelques mois. D’évidence le nombre de condamnations, de procès et de prisonniers est très élevé. Dans les dernières années Moubarak, on a pu en revanche constater que le pouvoir se montrait moins répressif. Ce qui est net, c’est qu’aujourd’hui le pouvoir n’accepte aucune contestation mais qu’une liberté qui ne s’écrit plus dans la rue s’écrit en revanche sur l