«Voilà la Centrafrique», indique le lieutenant Fouda, un officier camerounais à l'allure débonnaire, en désignant le paysage vert émeraude qui s'élève en pente douce juste en face d'une petite rivière aux eaux opaques. Ici, un simple cordon et une minibarge relient, d'une rive à l'autre, le Cameroun et la Centrafrique. On pourrait presque engager la conversation avec les deux hommes qui traînent ce jour-là sur la rive sablonneuse côté centrafricain. L'un fume une cigarette avec une attitude de défiance, l'autre tient un fusil, le canon pointé vers le sable. A en croire l'officier, ce sont des anti-balaka, membres de ces milices chrétiennes qui terrorisent la Centrafrique depuis un an. «Ils contrôlent toujours cette zone», confirme-t-il. Il y a trois semaines, ils ont utilisé la barge pour envoyer au Cameroun un colis un peu spécial : la tête décapitée d'un éleveur peul. Réfugié à l'ouest de la frontière, ce dernier s'était risqué à retourner de l'autre côté du fleuve dans l'espoir de retrouver son bétail après avoir fui le pays en catastrophe. Un cas loin d'être isolé, selon les militaires camerounais.
Enlèvements contre rançons ou décapitations : dans ce petit coin perdu, les anti-balaka continuent de menacer les musulmans centrafricains qu’ils ont contraints à la fuite. Côté camerounais, la présence militaire est pourtant massive, visible, comme ces deux guérites protégées par des sacs de sable d’où émergent des fusils mitrailleurs pointés vers la frontièr