Le philosophe Michel Terestchenko, auteur du
Bon Usage de la torture ou comment les démocraties justifient l’injustifiable
, réagit à la publication du rapport du Sénat américain sur l’usage de la torture par la CIA sur des suspects à la suite des attentats du 11 septembre 2001, dans des prisons secrètes à l’étranger.
Quelle est votre première réaction à la lecture de ce rapport, publié mardi ?
C'est un réquisitoire terrifiant contre la CIA, de nature à nourrir toutes les théories conspirationnistes et complotistes. A partir du moment où le président Bush a signé le mémorandum du 17 septembre 2001, moins d'une semaine après l'attaque du World Trade Center, qui autorisait le directeur du service de renseignement américain à «entreprendre toutes les opérations nécessaires pour capturer et placer en détention les personnes qui représentent une menace de violence continuelle et sérieuse ou qui planifient des actions terroristes», la CIA a agi en toute impunité, avec des pouvoirs sans précédent, sans en référer à l'exécutif ni au président. Soit parce qu'elle y a été tacitement autorisée, soit parce qu'elle a délibérément trompé l'administration Bush jusqu'en 2003 et le Président jusqu'en 2006.
Que les Etats-Unis aient pratiqué la torture, on le savait depuis le Vietnam. Et plus récemment, depuis la révélation, en 2004, des exactions commises par l’armée dans la prison d’Abou Ghraib, en Irak. Ce qui est très troublant dans ce rapport, en plus du catalogue épouvantable des sévices pratiqués, c’est que la CIA n’a cessé de transmettre de fausses